Alcools
“Alcools”
(1913)
Ce recueil de poèmes comprend des poèmes anciens, composés de vers réguliers et parus dès 1898, et des poèmes nouveaux composés de vers libres. Par son sous-titre originel, «1898-1912», le recueil s’offrait comme le journal poétique d’une quinzaine d’années de création ; l’histoire d’une œuvre s’y combinait avec celle d’une aventure poétique, le jeune poète cherchant sa voie, se faisant aussi bien le représentant de l’avant-garde. Apollinaire révéla rétrospectivement l’esprit de cette datation dans une lettre qu’il adressa à Max Jacob en mars 1916 : «Prends […] tous tes poèmes qui ont paru dans une revue […] jusqu’à nos jours. Sans doute cela fera un volume ; tu y ajoutes au besoin les quelques poèmes qu’il faudra et tu auras un volume et garderas des tas de poèmes inédits en mettant en lieu sûr les représentants de ton lyrisme pendant une longue période de poésie». Cette «longue période de poésie» ainsi mise en lieu sûr allait, s’agissant du rédacteur de la lettre, des lendemains du symbolisme à la veille du surréalisme. Mais, en fait, Apollinaire ne respecta pas l’ordre chronologique de création des poèmes, qui aurait accentué la résonance autobiographique, le poème liminaire, “Zone”, ayant été en réalité le dernier composé.
De plus, devant l’exemple qui lui avait été donné par Blaise Cendrars, dans une décision de dernière heure, sur les épreuves mêmes, alors que ses poèmes avaient initialement paru encore ponctués, il supprima partout la ponctuation. Il pousuivait ainsi le but constant des poètes, qui a toujours été de saboter la langue. Sans ponctuation, il n'y a plus de concurrence entre le mètre et la syntaxe ; on ne marque pas de pause, même là où le sens l'exige et on en marque une là où il ne l'exige pas ; la versification prend à contre-pied les règles du discours normal. Perdre l’ordre et la coordination, l’armature logique et rationnelle, abolir la frontière entre le raisonnement et la musique, forcer