Anthologie
L'hiver
L'Air paraît tout obscur ; la clarté diminue;
Les arbres sont tous nus ; les ruisseaux tous glacés ;
Et les rochers affreux, sur leurs fronts hérissés,
Reçoivent cet amas, qui tombe de la Nue.
Tout le Ciel fond en eau ; la grêle continue ;
Des vents impétueux, les toits sont renversés ;
Et Neptune en fureur, aux Vaisseaux dispersés,
Fait sentir du Trident, la force trop connue :
Un froid âpre et cuisant, a saisi tous les corps ;
Le Soleil contre lui, fait de faibles efforts ;
Et cet Astre blafard, n'a chaleur, ni lumière :
L'Univers désolé, n'a plus herbes ni fleurs ;
Mais on le doit revoir, dans sa beauté première,
Et l'orage éternel, ne se voit qu'en mes pleurs.
Georges de SCUDÉRY (vers 1649)
Dans l’interminable …
Dans l’interminable
Ennui de la plaine,
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune,
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?
Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Paul Verlaine, Romances sans paroles (1874)
Nuit de neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois.
Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes.
L’hiver s’est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l’horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu’elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s’empresse à nous