ARCHITECTURE, MUSIQUE ET LANGAGE DANS “EUPALINOS” DE P. VALERY1
Aboutir malgré le langage ; aboutir par un langage ; P.V. 1. Préalables Avant d'aborder la problématique elle-même, nous situerons succinctement le texte lui-même. D'un point de vue strictement anecdotique, P. Valéry accepta non seulement la commande d'un groupe d'architectes soucieux de publier un Album de gravures et de plans «contribuant depuis mil neuf cent quatorze à former le style français», mais encore ce qu'il appelle, dans une lettre à P. Souday en date du 1er mai 1923, leur «bizarre contrainte», à savoir la détermination a priori du nombre des caractères : 115 800... L'ouvrage parut en 19212. À propos de la forme littéraire choisie, le dialogue philosophique imité de Platon mettant en présence Socrate et Phèdre défunts3, il ne semble pas qu'il y faille voir davantage qu'une commodité puisque, dans une lettre de 1934 et donc bien postérieure, Valéry confie ceci : «Le nom d'Eupalinos fut pris par moi qui cherchais un nom d'architecte, dans l'Encyclopédie Berthelot, à l'article “Architecture”. J'ai appris depuis, par un travail du savant helléniste Bidez (de Gand), qu'Eupalinos, ingénieur plus qu'architecte, creusait des canaux et ne construisait guère de temples ; je lui ai prêté mes idées, comme j'ai fait à Socrate et à Phèdre. D'ailleurs, je n'ai jamais été en Grèce et, quant au grec, je suis demeuré un écolier des plus médiocres, qui se perd dans l'original de Platon et le trouve, dans les traductions, terriblement long et souvent ennuyeux...) 4» Puisque Valéry lui-même l'autorise, il serait possible de relever les passages où l'auteur, abandonnant quasiment tout masque, toute délégation énonciative, devient ou
Ce texte reprend un exposé présenté au colloque Sémiotique et esthétique de l'espace, organisé par M. Hammad, à Urbino en juillet 1987. 2 Ces indications sont dues, bien entendu, à Jean Hytier, éditeur des deux tomes des Œuvres dans l'édition La Pléiade, respectivement 1957 et