Archive du bac 2010
Nous vivons dans des nations urbaines, mais nous avons peur des villes. La concentration des hommes et des activités, répète-t-on à l’envi, est, en soi, criminogène ; et de citer, invariablement, les mêmes expériences... sur des rats de laboratoire, dont l’agressivité augmente avec le nombre, la densité. Mais on ignore volontiers l’histoire humaine. Le Japon hautement industrialisé et urbanisé a néanmoins un taux de criminalité très faible - le plus faible du monde industriel - de même que les Pays-Bas, pays le plus dense d’Europe. Certes, la criminalité violente n’est pas indépendante de la taille des villes, puisque, en règle générale, elle croît avec la dimension des unités urbaines. Le fait est là, indéniable, mais il faut se garder de glisser dans des interprétations hâtives et surtout d’en tirer trop vite des enseignements pour la politique criminelle, en prônant comme une panacée (1), suivant la mode du moment, le retour à un habitat moins dense ! […]
Nous serions passés d’un ordre agraire stable et paisible à l’actuel désarroi urbain ; nous vivrions désormais dans cette grande cité maudite, où les hommes sont coupés de leurs racines pour n’être plus qu’une masse d’anonymes. Telle est, du moins, la croyance publique. Mais cette vision là est un cliché ancien, aussi vieux que la ville elle-même. C’est la vision nostalgique du village de ses ancêtres, où tout le monde connaissait tout le monde, où la vie était, pense-t-on, tranquille et harmonieuse. C’est aussi le discours conservateur : le départ à la ville, c’est la fuite vers l’inconnu, la course à l’aventure, en bref, le risque de perdition. Derrière la ville, il y a la complexité, la mobilité, la fluidité, l’imprévisibilité du monde moderne ; en un mot la sensation de chaos, d’enfer, de capharnaüm (2)qui épouvante les hommes d’ordre. L’anonymat est peu propice à l’emprise policière, à la capture des brigands. La ville est le lieu des contestations, le centre