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J'ai prié ton père, par un petit billet, de protéger mon corps. Au fond du cimetière sont deux tilleuls, vers le coin qui donne sur la campagne: c'est là que je désire reposer. Il peut faire cela, et il le fera pour son ami. Demande-lui aussi. Je ne voudrais pas exiger de pieux chrétiens que le corps d'un pauvre malheureux reposât auprès de leurs corps. Ah! je voudrais que vous m'enterrassiez auprès d'un chemin ou d'une vallée solitaire; que le prêtre et le lévite, en passant près de la pierre marquée, se signassent, et que le samaritain y versât une larme!
Donne, Charlotte! Je prends d'une main ferme la coupe froide et terrible où je vais puiser l'ivresse de la mort! Tu me la présentes, et je n'hésite pas. Ainsi donc sont accomplis tous les désirs de ma vie! Voilà donc où aboutissaient toutes mes espérances! toutes! à venir frapper avec cet engourdissement à la porte d'airain de la vie!
Ah! si j'avais eu le bonheur de mourir pour toi, Charlotte, de me dévouer pour toi! Je mourrais courageusement, je mourrais joyeusement, si je pouvais te rendre le repos, les délices de ta vie. Mais hélas! il ne fut donné qu'à quelques hommes privilégiés de verser leur sang pour les leurs, et d'allumer par la mort, au sein de ceux qu'ils aimaient, une vie nouvelle et centuplée.
Je veux être enterré dans ces habits; Charlotte, tu les as touchés, sanctifiés: j'ai demandé aussi cette faveur à ton père. Mon âme plane sur le cercueil. Que l'on ne fouille pas mes poches. Ce noeud rose, que tu portais sur ton sein quand je te vis la première fois au milieu de tes enfants (oh! embrasse-les mille fois, et raconte-leur l'histoire de leur malheureux ami; chers enfants, je les vois. ils se pressent autour de moi: ah! comme je m'attachai à toi! dès le premier instant, je ne pouvais plus