Baudelaire
Pour lui, le temps était démesurément long, parce qu’il était un oisif, un velléitaire qui, inlassablement, prenait chaque soir de bonnes résolutions qu'il ne tenait pas le lendemain, un mélancolique qui subissait le poids du spleen, de l'insupportable et maladif ennui, un impuissant incapable de vivre, d’agir, de voyager, de travailler, d’aimer. Aussi fit-il du temps «l'ennemi» (voir le poème de ce titre), le monstre qu'il lui fallait tuer : «Le Temps mange la vie,
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croït et se fortifie !»
Dans ‘’Le goût du néant’’, il répéta :
«Et le Temps m’engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps pris de roideur.»
Dans ‘’L'examen de minuit’’, au soir d’une journée incurieuse, au moment de rendre des comptes sur son emploi du temps, il dressa cet amer bilan : «La pendule, sonnant minuit,
Ironiquement nous engage
À nous rappeler quel usage
Nous fîmes du jour qui s’enfuit.»
Dans ‘’Spleen’’ (LXXVI), il se plaignit : «Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.»
Dans la ‘’Correspondance’’, on trouve ces regrets : «la fuite du temps, et