Caligula
Ce n'est qu'ainsi, par la révolte, thème camusien par excellence, que l'homme pourrait recouvrer une dignité, de même que, par la pensée, il pourrait retrouver une authenticité, en s'affranchissant des arrières-mondes fantasmatiques que son appel de sens suscite, et en se libérant de cette pulsion de fuite qui le conduit à se nier comme être de pensée pour mieux escamoter une pensée de la mort qu'il esquive par la fuite.
Révolte et liberté ont donc partie liée. Le thème de la liberté est présent dans la pièce, mais moins à l'état d'affirmation que comme question, moins comme position que comme débat, comme tension entre une liberté négative et son contraire, indéfini, car Caligula se borne à reconnaître qu'il s'est sans doute mépris sur la définition de la liberté. Si rien n'est vraiment, car tout est promis à la corruption et à la néantisation, si rien ne vaut vraiment, alors, selon Caligula, l'homme est libre, affranchi de tout lien terrestre et humain, car tout meurt, et de toute norme, car il n'est personne pour les édicter :
« Ce monde est sans importance et qui le reconnaît conquiert sa liberté. Et justement je vous hais parce que vous n'êtes pas libres. Dans tout l'empire romain, me voici seul libre. Réjouissez-vous, il est enfin venu un empereur pour vous enseigner la liberté » (I, X).
Voilà une liberté bien conditionnelle : elle est tout d'abord conçue en termes négatifs (la liberté est absence de tout lien), et elle n'est propre qu'à l'Empereur, qui n'entend pas abdiquer son pouvoir ni permettre à Rome de retourner à la libertas républicaine, pré-augustéenne. Enseigner la liberté ne signifie pas être animé du projet positif et éthique de déconstruction du principat, mais faire prendre conscience, en même temps que du délaissement, du déliement.
La liberté de Caligula, c'est