commentaire l'Amant de Marguerite Duras
Introduction
Marguerite Duras occupe une place particulière dans la production romanesque contemporaine.
En effet, dès 1950, date de publication d’Un Barrage contre le
Pacifique, elle délaisse les canons habituels de l’écriture romanesque
(narration, description, rendu des personnages) au profit d’un style fondé sur la primauté du dialogue, qui tente de restituer un monde intermédiaire, entre le dit et le non-dit des pensées souterraines de chacun. Ces lignes de force s’affirment particulièrement dans cet extrait de
L’Amant, roman autobiographique publié en 1984, qui évoque les amours d’une jeune fille blanche et d’un riche banquier chinois au
Viêt-Nam français.
L’originalité de Marguerite Duras réside ici dans la perversion d’un schéma traditionnel, celui de la rencontre amoureuse, rehaussée par les tensions du monde colonial et du monde intérieur des protagonistes et soulignée par un faux dialogue.
I/ La scène de la première rencontre
1/ Une scène traditionnelle
Le roman contemporain se plaît souvent à jouer avec la tradition. Il semble ici que l’auteur reprenne à son compte un lieu commun, un topos de la littérature amoureuse : celui de la première rencontre ou du coup de foudre.
L’exemple archétypal pourrait être la rencontre de Frédéric Moreau et de Madame Arnoux dans L’Education sentimentale de Gustave
Flaubert.
La comparaison des deux textes est éclairante :
Les deux textes se situent dans un paysage d’eau, le bac sur la
Seine ou le Mékong, ce qui ajoute au texte de Marguerite Duras la tension du colonialisme.
Le sentiment amoureux efface les autres personnages, occupants du bateau ou du car indigène.
L’âge des protagonistes est inversé : dans L’Education sentimentale,
Frédéric vient d’avoir son baccalauréat tandis que Madame Arnoux est plus âgée. Dans L’Amant, la jeune fille n’a que quinze ans.
Les deux hommes pourtant sont timides et font