Danseuse en herbe
Un pianiste interpréta un pasodoble torero. Les jeunes gens firent le chœur. Le rideau se leva faisant apparaître une petite scène vide. On entendit des claquements des talons et des castagnettes. Immédiatement suivi par de rugissement des garçons. Ensuite une femme fit son entrée en scène. Elle s’enveloppait comme un torero dans un châle de Manille d’un vert vif et d’un jeune chrome. Sous les franges endormis, comme les branches d’un saule, elle apparaissait ; se découvrait avec la grâce rigide d’une corole de lys inversé, une jupe en soie d’un blanc mat, décorée avec des perles de verres. Les bas, très délicats, en soie blanche, laissaient entrevoir la chair qui prenait la couleur pâle d’un iris rose. Les chaussures, en satin blanc (…) Son manque d’aisance et sa désinvolture montraient qu’elle était novice dans les figures chorégraphiques. Une face boursouflée et obtuse apparaissait dans les coulisses de droit après avoir observé ce qu’elle arrivait à voir du public, elle se tourna vers l’artiste, en l’encourageant d’une voix déchirante « allez petite ! » C’était la mère de la belle Toñita.
A la fin du pasodoble, Toñita jeta chapeau et châle en vrac, du côté où apparaissait le crâne sot de matrone de la mère ; elle secoua ses épaules, pour régler à son goût les bretelles de la robe, et elle avança vers les lumières, intimidée et sans savoir quoi faire de ses mains. Elle avait l’air très jeune, elle avait tout au plus seize ans. La candeur du costume, avec les reflets aqueux de la verroterie, ajoutaient de l’innocence à ses formes naissantes, à peine pubères. Elle essayait de sourire, mais ce n’était rien de plus que ce petit air exquis et bébête que prendrait un enfant, surpris après avoir fait une bêtise, pour la cacher. Elle chanta la chanson du grillon. Les jeunes gens se mettaient à faire le chœur dans le refrain « cri, cri, cri ». Les familles honnêtes quittèrent la salle. Toñita sembla perdre complètement sa sérénité en se voyant