dissert
C'est l'occasion de superbes mises au point sur le regard.
Page 22 : " Si toutefois je l’ai fait, sachez que j'aurai désiré ne pas vous avoir regardé. Le regard se promène et se pose et croit être en terrain neutre et libre, comme une abeille dans un champ de fleurs, comme le museau d'une vache dans l'espace clôturé d'une prairie. Mais que faire de son regard? Regarder vers le ciel me rend nostalgique et fixer le sol m’attriste…;[regarder derrière soi n'est pas plus satisfaisant]... Alors il faut bien regarder devant soi à sa hauteur… » On finit toujours fatalement par tomber sur quelqu’un…
Là, selon l’humeur (ou le hasard) se met en place :
-soit une logique de séduction
-soit une logique d'intimidation…Quand ce n'est pas d'emblée une logique de précaution,,,, Dans l'obscurité il y a une règle qui veut qu’entre deux hommes qui se rencontrent, il faille toujours choisir d'être celui qui attaque le premier »
La prose poétique de Koltès campe magistralement l'atmosphère trouble des rues désertées par la légalité, ces moments d'incertitude où les hommes se croisent et peuvent à tout instant se déchaîner comme des bêtes seulement par peur, par peur de l'autre et de sa peur :
" C'est qu'il flottait de par ma présence et la vôtre, et par la conjonction accidentelle de nos regards, la possibilité que vous me frappiez le premier et j'ai préféré être la tuile qui tombe plutôt que le crâne, la clôture électrique plutôt que le museau de la vache." page 25
Mais dans la pièce l’affrontement reste seulement verbal : les deux hommes se tiennent à distance par la force des mots dans une défiance réciproque face à l'inconnu qu’ est l'autre. Paradoxalement, et contrairement à l’analyse Hobbienne, c'est la défiance réciproque