L'amitié chez Aristote et Epicure
L 'homme heureux a-t-il des amis ? Perspectives sur les théories aristotélicienne et épicurienne de l'amitié
L'homme heureux a-t-il des amis? La question n'est pas saugrenue. Elle engendre des paradoxes, elle est à la croisée de préoccupations éthiques, anthropologiques, politiques. Commençons par l'exposer abstraitement. On y voit se dessiner une sorte de casse-tête logique où se croisent les définitions de l'amitié, de l'utilité et du bonheur. D'un côté, l'affaire paraît entendue : c'est évident, l'homme heureux a des amis. D'abord parce que, justement, sans amis, laissé à lui-même, isolé, abandonné de tous, tout homme serait le plus malheureux des hommes. Donc l'homme heureux a des amis, et si possible, nombreux, fidèles et eux-mêmes heureux. C'est même là la seule définition possible de l'homme heureux. Oui, mais voilà, si l'homme était vraiment heureux, il n'aurait besoin de rien ni de personne, il n'aurait donc pas d'amis, il se suffirait à lui-même. Quel est ce manque en lui qui le pousse vers un autre? Quelle insatisfaction l'anime de ne pouvoir rester seul, de ne pouvoir se contenter d'être lui-même, d'être en relation avec soi? Quel secret aiguillon l'empêche d'être heureux? S'il était heureux, parfaitement heureux, il serait « autarcique », autosuffisant, sans amis, comblé de ce qu'il est ou de ce qu'il a lui-même, sans dépendre des autres, de ce qu'ils sont, de ce qu'ils ont. C'est même là la définition nécessaire de l'homme heureux. On voit un moyen de sortir de la difficulté. On dira donc : l'homme heureux a des amis et c'est