Dans le Québec rural de la fin du 19e siècle, Séraphin gère ses terres et son foyer dans un souci constant d’économie. Usurier du village, il manie à son avantage les rouages des prêts et des négociations. Les villageois, conscients de ses méthodes peu charitables, le détestent, le craignent, mais en viennent aussi à le respecter. Donalda, épouse soumise et obéissante de Séraphin, doit, quant à elle, veiller à ne rien gaspiller afin de ne pas s’attirer les colères de son mari. Le jour où elle tombe gravement malade, l’avarice de son époux l'empêche de recevoir les soins d’un médecin et elle meurt bientôt des suites de la fièvre. Devenu veuf, Séraphin jouit de sa liberté nouvelle et cultive son obsession de l’argent, en s’enfonçant graduellement dans la paranoïa et l’isolement. Ce récit, d’abord paru en 1933, connu pour ses adaptations radiophonique, télévisuelle et cinématographiques, présente des personnages forts et typés tout en dépeignant avec acuité les moeurs paysannes du Québec d’antan. L’austérité, la cruauté et la cupidité de Séraphin sont détaillées avec profondeur par une narration extérieure qui impose une distance et suscite presque la pitié devant ce personnage torturé. L’extrême rigidité du protagoniste contraste avec la candeur, la bonhomie et l’amabilité des personnages secondaires, mais également avec les lieux et les paysages décrits avec précision et poésie. Ce roman du patrimoine littéraire québécois dresse, dans une langue à la fois noble dans sa narration et familière dans ses dialogues, un portrait social juste qu’il sera intéressant de mettre en parallèle avec l’époque actuelle afin de considérer l’évolution des coutumes. Cette édition débute par une préface très intéressante dressant le parallèle entre le Séraphin Poudrier de Grignon et le Félix Grandet de Balzac.