La jondrette
Les Misérables Victor Hugo
LA JONDRETTE
La Jondrette aînée entendit un objet lourd, sans doute en métal, tomber sur le sol de la chambre d’à côté. Elle aperçut un trou dans la cloison qui séparait les deux pièces. Elle approcha un œil et vit, au travers, un homme, de moyenne taille et d’un charme éblouissant. Son visage était magnifique. Son teint, très clair lui donnait un aspect maladif. Il reflétait la misère dans laquelle il vivait. Ses épais cheveux noirs cernaient un front haut et intelligent, pourtant il paraissait naïf et insouciant. Il portait un vieux pantalon, retenu à la taille par une simple ficelle. Une chemise de lin entrouverte laissait apparaître un torse plutôt musclé. Il était réservé et calme, assis sur une chaise où il ne restait que quelques brins de paille. La jeune fille tenta de détourner son regard mais l’attention qu’elle portait à l’homme (qui se prénommait Marius) l’en empêchait. Elle restait là, captivée par sa bouche, cette magnifique bouche, logée entre ses lèvres, les plus vermeille, qui abritaient les dents les plus blanches du monde. Son sourire corrigeait tout ce que sa physionomie avait de sévère. Ses narines ouvertes et passionnées étaient en parfait accord avec son esprit. A certains moments, c’était un singulier contraste que le front chaste et ce sourire voluptueux. Il avait l’œil petit et le regard grand. Eblouie de découvrir tant de beauté d’un seul coup, son regard dévia de son inconnu et c’est là qu’elle découvrit qu’il vivait dans la plus grande des misères. Sa chambre se résumait à une simple paillasse, une table bancale et quatre murs délabrés qui n’avaient aucune ouverture, seulement ce petit trou qui avait attiré la demoiselle. Que faisait t’il de ses temps libres, que faisait t’il seul dans sa chambre ? Etudiait t’il, ou bien, comme elle, espionnait t’il ses voisins ? Elle se dit qu’il ne méritait de tout