Le Bonheur
OU L'ART D'ETRE HEUREUX
Introduction Toute tentative pour définir les moyens d'atteindre le bonheur, ou pour en définir la nature, se heurte chaque fois, à une difficulté. Selon l'opinion commune, le bonheur consiste à pouvoir satisfaire tous ses désirs. Une telle perspective, qui tend à identifier le bonheur et le plaisir, relève de l'hédonisme (du grec hedonê, la volupté): doctrine faisant du plaisir le souverain bien à rechercher. Au sens le plus ordinaire, l'hédonisme désigne l'attitude de celui qui aime les plaisirs des sens de façon immodérée. ->Mais le bonheur réside-t-il vraiment dans l'accumulation des instants agréables? L'hédonisme, en conduisant à la démesure, voue l'individu à une perpétuelle insatisfaction, donc à un état de tension inquiète contraire au bonheur. Une seconde caractérisation du bonheur repose donc sur la critique de la recherche effrénée du plaisir. Le bonheur consisterait plutôt dans un état durable et serein de satisfaction, délivrant l'âme de tout trouble intérieur. Le bonheur n'est plus lié au caractère éphémère du plaisir : il se caractérise par sa permanence, sa stabilité, sa durée. ->Peut-on apprendre à être heureux? Autrement dit, le bonheur dépend-il d'une « méthode » (d'une sagesse) ou n'est-on heureux que par hasard, « à l'improviste »? Le bonheur dépend-il de nos efforts, ou échappe-t-il à toute maîtrise? Les deux conceptions du bonheur s'opposent. La première perspective lie le bonheur à la fugacité d'un instant que je ne maîtrise pas. L'étymologie latine (bonum augurium) relie d'ailleurs le bonheur à la chance, au hasard : le « bon heur », c'est le bon présage, un hasard favorable. Voir mes désirs satisfaits ne dépend pas intégralement de ma volonté : le bonheur est quelque chose qui survient de l'extérieur (et qui peut nous être retiré aussi soudainement). Dans cette première perspective, il est, par essence, fragile et il échappe à toute tentative de