Le silence
" Que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite ".
(Mat., VI 3)
Parler de silence comme il convient n'est guère possible qu'à celui qui s'est fait le serviteur du silence; or, que voilà un maître exigeant. Il est si naturel de faire du bruit et si difficile de se dominer dans les choses médiocres. Et puis d'employer la parole pour décrire le silence est paradoxal; et cependant les conditions de nos facultés infirmes nous obligent pour connaître une chose à en prendre le contre-pied.
Les Brahmanes vénérables font ainsi quand ils définissent l'Absolu par la négation fameuse: " Ni ceci ni cela ". Et cependant de même que l'Absolu est à la fois tout le possible et l'impossible, le Silence n'est pas que le non-parler; il est une entité positive; il est un génie; il est un royaume invisible, réel, peuplé; il possède comme tout être deux guides: un ange de Lumière et un ange de Ténèbres.
Tout parle dans l'Univers par périodes; et par périodes aussi tout écoute. On s'inquiète beaucoup communément de savoir ce que disent les créatures; mais quelques sages cherchent plutôt à connaître ce qu'elles taisent; souvenez-vous de la grande règle de l'Institut pythagoricien; et si la sagesse antédiluvienne dont les Brahmanes furent les plus récents héritiers, donne à l'Initiateur suprême le titre de " silencieux ", la sagesse éternelle de notre Jésus réclame de nous, en certains cas, la perfection du silence.
Le monde des sons contient la nourriture intellectuelle de notre esprit; le monde du silence est le lieu du mystère du surconscient, de l'incompréhensible. Le discours embrasse par ses formes usuelles et par ses formes esthétiques la totalité du connu, mais ne peut que faire pressentir l'inconnu. Quand il s'arrête, d'autres voix s'élèvent qui, sans le secours des mots, nous enseignent pour l'éternité, touchent ce qui dépasse l'entendement, dévoilent ce qui est imperceptible à la sensibilité, et allument le désir inextinguible de la Lumière.
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