Le système balzacien
A PROPOS DE BALZAC ET DE STENDHAL
Si quelque chose peut faire définitivement la différence entre Balzac et Stendhal, c’est une opposition entre un auteur, Balzac, qui a voulu créer un univers, une oeuvre colossale en forme de système et un autre, Stendhal, bien plus méfiant vis-à-vis des idéologies du XIXè siècle, qui a produit une oeuvre romanesque rare et qui se tient loin de toute idée de système.
Balzac s’est voulu un inventeur du roman, a pensé le roman, a voulu en faire, à travers son oeuvre, la somme. Stendhal, sans doute par coquetterie, disait n’avoir jamais songé à l’art de faire un roman.
Il y a aussi une notable différence entre un Balzac, écrivain professionnel qui donne volontiers de lui-même l’image d’un forçat des lettres, attaché comme un esclave à sa table de travail et un Stendhal qui, non sans affection là aussi, cultive l’image d’un dilettante et affirme avoir écrit La Chartreuse de Parme en 52 jours seulement quand Balzac peut passer jusqu’à 12 heures à sa table de travail.
Il n’empêche que autour de la critique de la société, sur le “réalisme” et l’esthétique nouvelle du roman, ces deux auteurs se retrouvent et fondent le roman moderne.
La grande spécificité balzacienne reste donc essentiellement d’avoir conçu son oeuvre sous la forme d’un système dont les principes sont clairement énoncés dans l’Avant-propos de La Comédie Humaine, publié en 1842. Il ne faut tout de même pas s’en laisser conter par Balzac car l’Avant-propos donne l’impression que le système avait été entièrement pensé avant l’écriture de La Comédie Humaine. En réalité, la construction de l’ensemble s’est faite de façon progressive, parfois assez désordonnée : le dessin général de l’oeuvre n’est apparu à Balzac qu’en cours de réalisation et l’Avant-propos offre, en définitive, une systématisation a posteriori.
En fait, ce qui assure la stabilité et l’unité de cet ensemble est la stabilité du monde intellectuel,