Le voyage d'ulysse et ses interpretations
Ulysse est revenu plein d’espace et de temps.
Ossip Mandelstam
Une mythologie de l’errance
Dans l’Iliade, chaque jour est un jour nouveau pour les héros, qui n’envisagent pas le temps comme une projection dans l’avenir. L’Odyssée, en revanche, chante un retour et s’inscrit dans une temporalité précise. Ulysse apparaît comme le héros d’une épopée de l’absence, de la perte, du retour qui ne cesse d’être repoussé. Lors de la dernière étape de son voyage, chez Alcinoos le roi des Phéaciens, Ulysse a perdu tous ses compagnons, n’a plus rien. Il est devenu « Personne » comme il l’a annoncé, par ruse, au Cyclope. Ce n’est qu’en entendant sa propre histoire de la bouche d’un autre, l’aède Phéacien Démodocos, qu’il reconquiert pleinement son identité : il se trouve devant l’Ulysse passé, celui qui inventa la ruse du cheval de Troie, et peut ainsi mettre en perspective sa propre existence. Chaque épisode tracé sur la carte du voyage d’Ulysse construit un élément de réponse à cette question augurale qui est celle de la pensée grecque à son commencement. Ulysse est celui qui essaie de construire l’humain en cherchant ses limites, en réaffirmant sa continuité dans un projet de fidélité, de mémoire à lui-même et à ses origines, mémoire qui réside entièrement dans la langue. C’est dans le discours que se construit l’humain : en ce sens, l’Odyssée est bien un texte fondateur qui se prête à d’inépuisables relectures (ici Héraclite, Eustathe, Bérard).
* Dans cette fiche, les citations de l’Odyssée sont celles de la traduction de Philippe Jaccottet (La Découverte, 1982).
L’Odyssée Illustrations et décors de François Louis Schmied Paris, Compagnie des bibliophiles de l’automobile-club de France, 1930-1933 BNF, Réserve des livres rares, Velins-1245
Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif : celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra, voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d’usages, souffrant beaucoup d’angoisses