Les regrets sonnet 57
Cependant que tu suis le lièvre par la plaine,
Le sanglier par les bois, et le milan par l'air,
Et que voyant le sacre, ou l'épervier voler,
Tu t'exerces le corps d'une plaisante peine,
Nous autres malheureux suivons la cour Romaine,
Où, comme de ton temps, nous n'oyons plus parler
De rire, de sauter, de danser, et baller,
Mais de sang, et de feu, et de guerre inhumaine.
Pendant, tout le plaisir de ton Gorde et de moi,
C'est de te regretter, et de parler de toi,
De lire quelque auteur, ou quelque vers écrire.
Au reste (mon Dagaut) nous n'éprouvons ici
Que peine, que travail, que regret, et souci,
Et rien, que le Breton, ne nous peut faire rire.
En 1533, Du Bellay accompagne à Rome son oncle le cardinal Jean du Bellay qui, envoyé par Henri II, est chargé d’assurer à la France le soutien du pape. Du Bellay séjourne donc de 1533 à 1557 en Italie pour y remplir sa fonction de secrétaire. Le poète plein d’enthousiasme espère alors débuter une belle carrière diplomatique et découvrir Rome. Il rêvait d'un retour aux sources antiques, comme les autres humanistes de la Renaissance. Ce voyage en Italie s’avère cependant être une grande déception : Il ne reste pas grand-chose de la Rome antique ; on ne retrouve guère que le Colisée, les Thermes de Dioclétien et le Panthéon. Tout le reste est enseveli sous la broussaille ou des mètres de terre. La Rome que voit Du Bellay est une ville de 55 000 habitants installée essentiellement dans les parties basses, les collines sont inhabitées. Elle est industrialisée et en proie à la fièvre constructrice des papes et des princes, peuplée de prostituées et de mendiants, tandis que sa campagne est ravagée par des brigands. Au cours de cet exil, le poète confie ses impressions et ses commentaires dans un recueil de 191 sonnets en alexandrins, les Regrets, qui parut à son retour en France en en 1558 par l'imprimeur Fédéric Morel, l'Ancien.
Selon François Roudaut,