Ce n’est pas du tout le style de ma famille de se déplacer pour rencontrer des saints indiens. Nous sommes un mélange de catholiques, de protestants plus ou moins pratiquants, et d’athées convaincus, pour la plupart professeurs dans la très laïque Éducation Nationale. Personnellement, j’ai été marquée lors de mes études par un professeur de l’École Normale Supérieure, un brillant expert de René Descartes. Descartes est tout naturellement devenu mon philosophe favori et la pensée rationnelle mon territoire d’élection. C’est donc plus par curiosité intellectuelle que je me suis un jour rendue au programme d’Amma. Je vivais à la Réunion où j’enseignais la philosophie à un auditoire d’origine culturelle très variée. Les étudiants réunionnais, malgaches, africains, indiens, chinois et métropolitains aimaient comparer leurs différentes traditions religieuses et sociales et je pensais qu’il serait peut-être intéressant de rencontrer une autorité spirituelle de l’Inde. Lors de ma première rencontre en 1990, j’ai été frappée par l’humilité d’Amma, l’universalité de son message, et le bon sens pratique de ses œuvres charitables comme nourrir et loger les pauvres, leur offrir une assistance médicale gratuite… J’ai immédiatement senti qu’Amma s’offrait à l’humanité en général, et que bien que née en Inde, son expérience spirituelle se situait bien au-delà d’une tradition particulière. Elle m’avait favorablement impressionnée sans pour autant bouleverser ma vie. Toutefois l’année suivante, j’ai voulu la faire connaître à mon frère et des amis. Cette fois-ci, je me suis procurée deux petits livres racontant sa vie et ses enseignements. J’étais de plus en plus touchée et intriguée par tant de courage et tant d’amour désintéressé. Je discutais avec mon frère et mes amis, nous comparions la compassion d’Amma à celle de Jésus ou de Bouddha et sa sagesse pratique à celle des stoïciens et de Platon. Finalement en décembre 1992, profitant des vacances scolaires, je suis partie