Rutebeuf
Comme le suggère le titre du poème, « Que sont mes amis devenus? », Rutebeuf décrit dans sa complainte le sentiment de solitude qui l’habite. Cette idée peut être appuyée par le fait qu’il a perdu ses amis : « l’amitié est morte » (v. 50), dit-il en utilisant une personnification qui souligne que ce sont non seulement les amis qui sont disparus, mais aussi l’amitié en général. Cet abandon est suggéré également grâce au champ lexical relié à la dispersion : « ils se sont éparpillés » (v. 42), « ils n’avaient pas été bien attachés » (v. 43), « ce sont amis que le vent emporte » (v. 51). Ajouté au départ de ses amis, le sentiment d’être abandonné par Dieu contribue à cette solitude. Mentionnons à cet égard qu’une périphrase sous-entend qu’il s’adresse à Dieu : « Or je prie Celui / Qui fit trois parties de lui-même » (v. 77-78). Dans le même ordre d’idées, l’anaphore des vers 78 à 81, où est répété le pronom « qui », crée un rythme incantatoire indissociable de la prière. Enfin, Rutebeuf semble abandonné par Dieu parce qu’il ne respecte plus le principe de la charité chrétienne : « Que celui qui a des biens, / doit les prendre pour lui » (v. 57). La solitude spirituelle, conjuguée à l’abandon des amis, contribue dans cette perspective au malheur de Rutebeuf. Nous verrons à présent que ce malheur est relié également à sa pauvreté