Se cultiver, est-ce renoncer à sa nature ?
La complexité de la nature humaine est au cœur des préoccupations de la philosophie. Nous nous attarderons ici sur la relation entre la nature et la culture de l’Homme, censément contradictoires. La culture peut se résumer à tout ce qui est acquis, transmis, et qui n’est pas « donné » originellement : par exemple le savoir, l’art, le langage, la pudeur, l’intellect, le savoir-faire, la technique, la religion… Elle est donc une notion de civilisation et d’intellectualité. Quant à la nature, elle serait l’ordre de l’univers pur, qui s’opposerait à un ordre moral, normatif, social. Le terme « nature » vient du latin natura, issu de nascor, signifiant naître, débuter, avoir pour origine. En outre, de par la pluralité des cultures à travers le Monde, il découle que la nature est universelle et la culture relative. L’Homme est-il alors un être de culture ou un être de nature ? La culture dénature-t-elle l’Homme ou le fait-elle naître ? Et finalement, est-il possible de distinguer la nature de l’Homme de sa culture ? Dans un premier temps, nous envisagerons comment la culture peut « dénaturer » dans un sens négatif, avant de souligner l’impossibilité de définir la nature propre de l’Homme, pour enfin admettre que la nature de l’Homme est précisément de se cultiver.
En effet, on peut considérer que la culture dénature l’Homme, d’une part en l’éloignant de sa liberté et à travers les décadences qu’elle peut entrainer, d’autre part.
Épicure, déjà, au IIIème siècle avant J.-C., pensait que l’Homme ne devait satisfaire que ses besoins naturels et s’émanciper des plaisirs artificiels qui l’éloignent de sa nature. Selon Rousseau, d’une même idée (in Discours sur l’origine des inégalités parmi les hommes en 1755), la culture a éloigné l’Homme de sa liberté originelle en lui façonnant des plaisirs et des règles normatifs, aveuglants, voire bêtifiants. Il estime que la culture tend dangereusement vers la corruption d’un esprit primitivement pur et