Spinoza est-il fou ?
Issu d'une famille juive marrane portugaise ayant fui l'Inquisition, Spinoza fut un héritier critique du cartésianisme. Il prit ses distances vis-à-vis de toute pratique religieuse, mais non envers la réflexion théologique, grâce à ses nombreux contacts interreligieux. Après sa mort, le spinozisme, condamné en tant que doctrine athée, eut une influence durable. Gilles Deleuze le surnommait le « Prince des philosophes »1, tandis que Nietzsche le qualifiait de « précurseur », notamment en raison de son refus de la téléologie2.
Baruch Spinoza naît dans une famille judéo-portugaise3 de la communauté juive portugaise d'Amsterdam4. Son prénom « Baruch », qu'il latinise en Benedictus, Benoît (Bento en portugais), signifie « béni » en hébreu. À cette époque, la communauté juive portugaise d'Amsterdam est essentiellement composée de Marranes, c'est-à-dire de juifs de la péninsule Ibérique convertis au christianisme, mais ayant, pour la plupart, secrètement maintenu une certaine pratique du judaïsme. Confrontés à la méfiance des autorités, particulièrement de l'Inquisition et à un climat d'intolérance envers les convertis, un certain nombre d'entre eux se sont exilés et une fois loin de la Péninsule ibérique, sont revenus au judaïsme lorsque cela était possible, comme aux Provinces-Unies au xviie siècle. On peut noter que le grand-père de Baruch, Abraham de Espinosa, est venu à Nantes (sa présence est attestée en 1593), mais il n'y est pas resté, sans doute parce que le judaïsme y est officiellement interdit et qu'il règne là aussi une certaine hostilité aux Marranes5 et d'ailleurs aux Portugais en général.
Les juifs sont assez bien tolérés et insérés dans la société