Tatouage
Le corps n'a été durant toute l'histoire un objet de culte, de rituel et de soin qu'au service d'autres fins. Georges Vigarello, Alain Corbin et J. F. Courtine ont montré ainsi dans leur Histoire du corps combien la recherche de la beauté, les préoccupation d'hygiène et le soin de soi ont été des pratiques de cultes du corps. Le souci esthétique est devenu aujourd'hui pour de plus en plus d'hommes et de femmes un moyen de transformer leurs modes d'existence, leurs façons de se soigner, d'agir et d'intervenir sur eux-mêmes.
Cette nouvelle religion du corps semble procurer à l'individu moderne un mode de constitution inédit. Elle a engagé le sujet dans une logique de l'apparence où la surface lisse de la peau et le volume des muscles font loi. Mais la recherche indéfinie de l'amélioration de l'image corporelle, notamment à travers l'essor du culturisme ou de la chirurgie esthétique depuis les années 1970, s'est profondément infléchi à partir des années 1990 du fait des nouvelles possibilités biotechnologiques de mettre en culture le corps, même in vitro, pour en modifier, non plus seulement l'apparence, mais la nature.
En passant ainsi d'un culte individuel à une mise en culture de soi, le culte du corps a cessé d'être un processus d'amélioration externe pour devenir un mode d'identification à la carte et au service du sujet qui s'accepte et veut être reconnu non plus pour ce qu'il est mais pour ce qu'il désire paraître. Obligation sociale et contrainte individuelle, le culte du corps était intégré auparavant − depuis les sociétés traditionnelles jusqu'aux sociétés totalitaires − par les rituels et les pratiques quotidiennes d'un monde symbolique et sacré. Dans nos sociétés postmodernes hypertrophiées de communication, il est désormais compris comme le mode privilégié de fabrication imaginaire du soi pour chacun, coïncidant parfaitement avec l'idéologie montante du chacun pour soi. Le culte du corps