Tirade du tabac
§ Sganarelle s’appuie sur « Aristote et toute la philosophie », en un argument d’autorité dont le caractère hyperbolique a de quoi faire sourire, d’autant plus qu’il est liminaire. Cette hyperbole repose sur plusieurs éléments, qu’il est intéressant de commenter. D’une part, Sganarelle convoque Aristote, philosophe du IVe siècle avant Jésus-Christ, celui qui a le plus marqué la civilisation occidentale. Bien évidemment, Aristote n’a jamais parlé du tabac, et la tournure emberlificotée de l’entrée en matière de Sganarelle, qui le laisse penser, est une aberration intellectuelle qui fait sourire le spectateur un peu cultivé. Nous reparlerons ensuite de ce qu’il nous semble que veut vraiment dire Sganarelle voire l’auteur. D’autre part, cette hyperbole est énonciative par l’utilisation de la concession (Quoi que…), qui rejette les hypothèses bien entendu non reformulées de la philosophie, pour avancer sa propre thèse.
§ L’hyperbole est donc associée à une forme de disqualification de l’adversaire (tout gigantesque qu’il soit) repoussé dans les limbes de la pensée. Associé à l’aberration anachronique d’Aristote et du tabac (ce qui reviendrait à peu près à rejeter ce qu’Aristote aurait dit de la télévision, chose importante à rappeler aux élèves pour la compréhension de cette bouffonnerie), cette entrée en matière extravagante fait immédiatement de Sganarelle un pédant burlesque, à l’imitation du Sganarelle médecin des pièces de Molière que nous avons citées. La thèse défendue par Sganarelle, appuyée sur cette loufoquerie argumentative, tourne donc court avant même d’avoir été prononcée.
§ Cette hyperbole est aussi liée 1. à l’utilisation du déterminant tout qui signifie « dans son ensemble » et constitue une forme de renchérissement à la forme simple la philosophie, 2. à l’association, par la conjonction de coordination, d’Aristote (comme tête d’affiche) et de la philosophie 3. à la gradation ainsi constituée entre ces deux mots, dont l’enflure