Tragédie
Aristote insistait sur l'importance de la « catastrophe » finale. A l'époque de Shakespeare, en Angleterre, on définissait la tragédie comme l'histoire de la chute d'un personnage illustre, qui passe de la prospérité au malheur, et finit misérablement. Enfin, dans le langage courant, le mot tragédie est teinté de pessimisme: on qualifie de tragiques des événements terribles, tels que des guerres, des massacres, des désastres naturels...
L'idée d'une tragédie qui se terminerait bien semble donc, à première vue, contradictoire. On se souvient qu'au début du XVIIe siècle existait un genre théâtral appelé tragi-comédie: ce genre de pièces n'était pas un mélange de tragique et de comique, mais une tragédie à fin heureuse. ll avait donc paru nécessaire de créer un mot différent pour désigner ce genre hybride.
Et pourtant, Corneille et Racine oseront, sur ce point, contredire Aristote et l'opinion traditionnelle. En effet, si la fin catastrophique était une condition absolue, une pièce telle que Cinna ne pourrait être classée comme tragédie. Dans cette pièce, Corneille s'inspire d'un épisode de l'histoire romaine: l'empereur Auguste découvre que Cinna, qu'il aimait et protégeait comme un fils, a dirigé un complot visant à l'assassiner. Cinna, un peu comme Rodrigue dans Le Cid, agissait surtout par amour: la femme qu'il aimait, Emilie, dont le père avait été exécuté sur l'ordre d'Auguste pour des raisons politiques, avait chargé Cinna de sa vengeance. On attendrait donc, après que la censpiration est dévoilée, un châtiment exemplaire tombant sur les amants. Mais c'est la clémence d'Auguste, et non son courroux, qui se manifeste à la fin de la pièce. Dans un noble monologue, l'empereur annence son intention de pardonner:
|« Je suis maître de moi comme de l'univers. |
|Je le suis, je veux l'être. O siècles, ô mémoire, |
|Conservez à jamais ma dernière victoire! |
|Je triomphe aujourd'hui du