C'est une très beau roman
Pour moi, belle amie, tu ne seras jamais vielle Car telle était-tu lorsque mon œil a croisé le tien, Telle encore ta beauté demeure au jour présent.
William SHAKESPEAR
1.
Tory se réveilla dans le corps de son amie morte. À huit ans, elle était grande pour son âge, avec une ossature fragile et des traits délicats. Ses cheveux soyeux couleur de blé tombaient avec grâce sur son dos étroit. Sa mère aimait les brosser, cent coups chaque soir d'une brosse souple et douce à dos d'argent qui reposait sur la jolie table de toilette en merisier. Le corps de l'enfant se souvenait de ces instants, percevait encore le long mouvement appuyé de la brosse qui lui donnait l'impression d'être un chat que l'on caresse. Le corps de l'enfant se rappelait la lumière glissant sur les boîtes à épingles et les flacons de cristal bleu, jetant un éclat sur le dos argenté de la brosse qui dansait au-dessus de ses cheveux. La fillette se rappelait aussi le parfum de la chambre, toujours présent. Un parfum de gardénia. Maman ne voulait que du gardénia. Et dans le miroir, à la lueur des lampes, ce pâle visage ovale était encore là, si jeune, si gracieux, avec ses yeux bleus pensifs, sa peau satinée. Si vivant. Cette fillette s'appelait Hope. Les fenêtres et portes-fenêtres demeuraient fermées car on était en plein été. La chaleur laissait son empreinte humide sur les vitres, mais, à l'intérieur de la maison, l'air était frais et le coton de sa chemise de nuit était si raidi qu'il crissait à chacun de ses mouvements. C'était la chaleur qu'elle désirait, l'aventure à laquelle elle rêvait. Pourtant, elle garda ses pensées pour elle en souhaitant bonsoir à Maman. Un baiser léger sur une joue parfumée. Chaque année, en juin, Maman faisait toujours retirer des couloirs les chemins de tapis que l'on roulait au grenier et, maintenant, le plancher de pin gordonie recouvert d'une bonne couche de cire semblait lisse et doux sous les pieds nus de la fillette. Elle traversa le hall