J'ai tant rêvé de toi, robert desnos
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués, en étreignant ton ombre, à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute.
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille. Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venus.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l’ombre qui se promène et se promènera allégrement sur le cadran solaire de ta vie.
Comment ce poème d’amour paradoxal organise-t-il l’effacement progressif de la femme réelle, pour faire triompher le sujet rêvant, et le rêve sur la vie ?
I. UN MOUVEMENT DE DESINCARNATION ET D’EFFACEMENT PROGRESSIF
1.1 De l’adresse à la femme à la solitude du rêveur La lettre s’adresse à la femme, 1° personne du singulier
Allusion au physique de la femme, c’est bien d’une femme précise qu’il parle
Il cherche à faire passer un message à une femme, pourtant en même temps « tu perds ta réalité », le rêveur est solitaire, il rêve d’une ombre, d’un fantome qui le caresse, il ne s’agit que d’un fantasme. Cette ombre le gouverne depuis des années sans possibilité de réalisation du fantasme, c’est un amour impossible, le rêveur est condamné à rester seul. Devant l’apparence réelle, il ne serait pas lui-même, alors il se contente d’être seul. « je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les