L'intimité en travail social
AuteurJean-Pierre Durif-Varembont du même auteur
Les professionnels du psychisme et ceux de la relation d’aide sont confrontés à la question de l’intimité à travers la difficulté de certains patients à se dévoiler ou, à l’inverse, à l’étalement sans limites d’autres qui se montrent physiquement ou verbalement dans une totale impudeur. On reconnaîtra dans le premier cas de figure les inhibitions de la névrose à partager l’intime et dans l’autre les effets de l’absence d’intimité, qu’elle soit due à un déchirement brutal comme dans le cas des victimes d’agression sexuelle, à une absence de construction d’un espace intérieur comme dans les formes de symbiose, ou à un brouillage idéologique des repères tel qu’il existe bien souvent dans les familles « modernes » où la nudité partagée prétend faire office d’éducation sexuelle. Tout clinicien est confronté en permanence à ce qu’on peut qualifier de « pathologies de l’intimité » en recevant des personnes, des couples ou des familles, ou en travaillant dans des institutions où la question de l’intimité vient faire symptôme[1] [1] C’est une vraie question engageant une éthique professionnelle... suite. 2 L’intimité reste une notion complexe qui se construit comme un espace intérieur mettant en jeu le registre du secret vis-à-vis d’autrui mais aussi de soi-même, en rapport avec des normes sociales qui évoluent, ce que je propose de montrer dans le présent article. Comme espace « privé », elle prive l’autre de sa possible emprise en soustrayant quelque chose à son regard et à son contrôle. Mon prochain, à la fois semblable et différent, est en quelque sorte privé de l’objectivation du sujet, cet espace intérieur préservé venant représenter ce qui échappe à la représentation, l’irréductibilité de chacun. L’intimité produit donc une distance entre soi et autrui, c’est-à-dire une différenciation indispensable à l’estime de soi et au respect de l’autre. Vécu comme lieu propre à soi,