Affirmation du sentiment national
Au XIXe siècle, la France prit si nettement conscience de son unité que la perte de l’Alsace-Lorraine en 1871 provoqua un choc dans l’opinion. La réaction fut en effet plus forte qu’au temps où Danton proclamait la patrie en danger. «La Revanche, reine de France», devait écrire Maurras pour désigner cette unanimité nationale, dans les premières années de la IIIe République, autour du culte de l’Alsace-Lorraine. De cette exaltation patriotique devait naître le nationalisme.
En fait, il existait déjà un premier nationalisme «de tradition jacobine, né de l’héritage idéologique de la Révolution et conciliant sans peine deux éléments dont les contradictions n’apparaîtront que peu à peu: le chauvinisme cocardier et le messianisme humanitaire» (Raoul Girardet). Ce nationalisme englobait à la fois une protestation contre les traités de 1815, notamment la perte de la rive gauche du Rhin, et une conception généreuse de la France libératrice des peuples opprimés. Le désastre de 1870 dépouilla de ce messianisme le nationalisme français et le fit glisser vers la droite de l’horizon politique. De l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace-Lorraine devait naître la réflexion de Fustel de Coulanges et d’Ernest Renan sur l’idée de nation. Elle suscita un amour exclusif de la patrie; elle exalta la gloire et la grandeur nationale réconciliant M. de Charette et Bara, unissant grognards de Napoléon et croisés de Saint Louis. Au-delà des écrits de Maurice Barrès et de Charles Maurras, ce patriotisme exigeant flattait le sentiment populaire. Une certaine idée de la France s’imposa dès l’école primaire à travers les manuels d’histoire d’Ernest Lavisse, les cours de morale ou le célèbre livre de lecture Le Tour de France par deux enfants. Toute une génération en fut imprégnée. Ouvrons les Mémoires du général de Gaulle: «Petit Lillois de Paris, rien ne me frappait davantage que le symbole de nos gloires: nuit descendant sur Notre-Dame, majesté du soir