Censure au xviiie
Le XVIII, siècle, qu'une tradition littéraire, scolaire et universitaire présente souvent comme le siècle des « lumières », voit pourtant se renforcer une censure qui n'épargne ni les philosophes ni les hommes de lettres, pas plus que les éditeurs ou les simples colporteurs qui risquent l'emprisonnement ou les galères, pour délit d'expression. A une époque où les tirages n'excèdent guère deux mille exemplaires, où la production littéraire se limite à la publication d'une trentaine de romans, où les cinq mille souscripteurs de l'Encyclopédie du libraire Le Breton déboursent 280 livres, soit le salaire annuel d'un ouvrier agricole, pour acquérir les premiers volumes (le prix total dépassera 950 livres), une censure ourdie dans les coulisses du parti dévot, représenté par Palissot et Fréron, sous l'égide de grands seigneurs comme Choiseul, s'acharne contre les philosophes Montesquieu, Diderot, Voltaire, Rousseau. Les théologiens, ces « arlequins anthropophages », comme les désignait Voltaire, multiplient les saisies, les refus d'impression, les blâmes, les condamnations par la Sorbonne, les autodafés, les emprisonnements arbitraires... renouvelant ainsi les pratiques inquisitoriales du XVIIème siècle qui avaient permis, entre autres, la mise à l'Index des Essais de Montaigne en 1676.
Une lettre de Diderot, adressée à Falconet en 1768, résume à elle seule le despotisme et l'obscurantisme du siècle « L'intolérance du gouvernement s'accroît de jour en jour ; on dirait que c'est un projet formé d'éteindre ici les lettres, de ruiner le commerce des libraires et de nous réduire à la besace ou à la stupidité. Tous les manuscrits s'en vont en Hollande, où les auteurs ne tarderont pas à se rendre. »
Paul Henri Dietrich, baron d'Holbach (1723 - 1789) condamnait dans son ouvrage « Le christianisme dévoilé » l'idée d'un artisan divin présidant au bonheur des individus et des peuples : « La religion est l'art