Clair de lune - clair de lune - apollinaire
Guillaume Apollinaire, Alcools (1913).
Modernité poétique ?
« Clair de lune » 1
Lune mellifluente aux lèvres des déments
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles
Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
Chaque rayon de lune est un rayon de miel
Or caché je conçois la très douce aventure
J’ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture
Qui posa dans mes mains des rayons décevants …afficher plus de contenu…
Le groupe nominal final « à la rose des vents » revêt une triple fonction : complément circonstanciel de lieu (désignant l’origine) du verbe « prendre » permettant de situer l’action, complément d’objet indirect (si « prendre » devient synonyme de “dérober ») ou bien épithète homérique de « miel », aidant à déterminer le goût de ce miel (tel une glace à la vanille, un miel à la rose des vents). Décidément, choisir sa voie et son angle de vue aura été jusqu’au bout l’enjeu de ce poème.
Pris de façon dissociée, les termes « rose » et « vents » renverraient à des réalités physiques connues (respectivement botanique et climatique) qui poseraient, au mieux, …afficher plus de contenu…
…Vers 11 !
Seul moyen de rompre cette docilité formelle, la suppression du vers final qui aurait fixé une signification alors trop bien corroborée : la déploration lisible dans le onzième vers (i.e. le vers fantôme) : « O rose à peine rose dans les livres savants » fournissait une clef d’explication partielle du poème, qu’Apollinaire a voulu in extremis refuser au lecteur appelé à élaborer sa propre interprétation plutôt que de la recevoir passivement du poète. Bien-sûr, il y a quelque chose d’impertinent à amputer son poème tout en lui conservant sa pleine signification en fonction de ce vers disparu. L’esprit ludique d’Apollinaire fait tenir une part de la signification à un vers absent. Mais on peut aussi comprendre que ce vers