Excusez les fautes du copiste
Grégoire Polet

Mesdames et messieurs les jurés,

Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est pour juger les actes de monsieur Sylvain Crêtes. On lui reproche les faits suivants : la falsification de quatre tableaux de James Ensor ainsi que la destruction des originaux de ces mêmes œuvres. Certes, notre homme n’a pas toujours eu une moralité irréprochable. C’est au regard de sa vie entière que nous devons le juger et non sur un acte malheureux. Notre devoir est d’analyser son parcours et pas uniquement de juger les conséquences.

Dans sa jeunesse, notre homme a entrepris des études d’art orientées principalement vers la peinture. Il épousa Nicole, une femme qu’il a aimée et chérie. Malheureusement celle-ci mourra très jeune dans de tragiques circonstances, le laissant seul avec leur bébé. Imaginez un instant la détresse qu’il a du ressentir. Imaginez-le, seul, avec sa fille, ne sachant comment s’y pendre. Ses parents ne pouvaient pas lui venir en aide en raison de leur faible niveau de vie. En bon père de famille, pour pouvoir vivre décemment et permettre à sa fille Isabelle de s’épanouir, il commença à travailler en tant que professeur de dessin, une profession qu’il n’appréciait guère. En dehors de son métier, notre homme avait déjà tenté de dessiner des œuvres et de les vendre afin de gagner de l’argent, mais en vain, car si sa technique était admirable, ses œuvres ressemblaient énormément à des œuvres connues. Par manque de créativité, ses œuvres étaient invendables.

Notre homme est tombé dans une spirale infernale lorsqu’il a accepté de travailler comme copiste. Sachez-le bien, il est entré dans ce système pour pouvoir assouvir la passion de sa fille : le piano. Isabelle est l’unique chose qu’il lui restait, son sang, sa chair, quel père digne de ce nom n’aurait pas fait la même chose ? Une fois dans le milieu, voyant l’argent arriver et le bonheur de son enfant, se découvrant enfin un talent, il s’est laissé entraîner