Le mythe du bon sauvage, qui s’est constitué suite à la découverte de l’Amérique, est l’idéalisation des hommes vivant en contact étroit avec la nature. Il répond, entre autres, à la quête de nouvelles valeurs du 18e siècle ainsi qu’à son fougueux débat opposant « nature » et « culture ». Associé à la période de grands bouleversements de la Révolution industrielle — réorganisation sociale, développement technologique, productivité, propriété privée, etc.… — il représente un havre de paix pour toutes les âmes agitées par un futur incertain. Vivre en d’autres temps, en d’autres lieux où paix et bonheur sont assurés par une Nature bienveillante, voilà ce que propose le mythe du bon sauvage dont l’expression même, très éloquente, mérite qu’on s’y attarde. En effet, qu’est-ce qu’un « mythe »? Mais surtout, qu’est-ce qu’un «bon sauvage» ? Les réponses à ces questions nous permettront de mieux approcher cette utopie des Lumières qui, malgré les siècles passés, fait rêver encore aujourd’hui. Chez les peuples anciens, le mythe a pour fonction d’expliquer soit les origines du monde, soit les phénomènes naturels énigmatiques. Ainsi, pour les Grecs, la naissance de notre univers s’illustre par l’union d’Ouranos et Gaïa, incarnant respectivement le ciel et la terre; le phénomène de la foudre, lui, qui terrifie le commun des mortels, s’explique par le dieu de la Lumière, Zeus, qui décharge sa colère par des lances enflammées dirigées contre la terre. Ce type de récit, qui présente des forces et des personnages symboliques, servira aussi à mieux raconter la vie des hommes et à mieux rêver d’un ailleurs pour fuir l’écrasante réalité. Au XVIIIe siècle, par la fiction du « bon sauvage », des philosophes tels que Diderot, Voltaire et Rousseau chercheront non seulement à critiquer la colonisation ethnocentrique des Européens en Amérique, mais aussi les idées de progrès et de raison au cœur même de l’idéologie des Lumières. Inspirés par les nombreux récits de voyages de Vespucci,