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Le Temps des secrets
Souvenirs d'enfance
TOME III
APRÈS la terrible affaire du Château, si glorieusement terminée par la victoire de Bouzigue, la joie s'installa dans la petite Bastide-Neuve, et les grandes vacances commencèrent.
Cependant, la première journée ne fut pas celle que j'avais vécue par avance avec tant de frémissante joie : Lili ne vint pas m'appeler à l'aube, comme il me l'avait promis, et je dormis profondément jusqu'à huit heures.
Ce fut le tendre crissement d'un rabot qui me réveilla.
Je descendis en hâte aux informations.
Je trouvai mon père sur la terrasse : il redressait l'équerre d'une porte gonflée par l'hiver, et des copeaux en crosse d'évêque montaient s'enrouler jusque sous son menton.
Tout à son ouvrage, il me montra du doigt une feuille de papier suspendue par un brin de raphia à la basse branche du figuier : je reconnus l'écriture et l'orthographe de mon cher
Lili.
ce matin on peux pas aller aux piège, je suis été avec mon Père pour la Moison au chant de Pastan. Viens, on manje sous les pruniers, viens, te prése pas. on nié tout le jour, ton ami Lili. Ya le mullet. Tu pourras monté dessur. viens, ton ami Lili. Cet le chant des bec figue de l'an posé, viens.
6
Ma mère, qui venait de descendre à son tour, chantait déjà dans la cuisine.
Pendant que je savourais mon café au lait, elle prépara ma musette : pain, beurre, saucisson, pâté, deux côtelettes crues, quatre bananes, une assiette, une fourchette, un verre, et du sel dans un nœud de roseau, bouché par un gland de kermès.
La musette à l'épaule, et mon bâton à la main, je partis tout seul vers les collines enchantées.
Pour aller au « champ des becfigues », je n'avais qu'à traverser le petit plateau des Bêlions et à descendre dans le vallon : en remontant le fond de la faille, je pouvais arriver au champ perdu en moins d'une heure. Mais je décidai de faire un détour par les crêtes, en passant sur