Aristote Boileau.

A Paris, le 3 novembre 2012.

Madame,

Je tiens à vous féliciter pour votre travail. J'admire les œuvres d'Eugène Ionesco et j'ai été agréablement surprise hier soir en assistant à la représentation de Rhinocéros dont vous étiez le metteur en scène.
J'ai assisté à d'autres représentations de cette œuvre littéraire, notamment à celle de monsieur Demarcy Mota. Une sensation d'angoisse et d'insécurité se dégageait du décor. Dans votre représentation, ce sentiment, absent du décor, fut déclenché par le jeu des acteurs que vous avez accentué. La dénonciation de la violence du totalitarisme a pu s'effectuer grâce à l'agressivité excessive des personnages qui commençaient leur transformation: ils semblent alors atteints de folie passagère, ce qui traduit la dangerosité de ce régime politique. J'ai aisément pu l'interpréter : vous avez enclenché le processus de transformation de chaque futur totalitaire de la même manière, y compris Daisy et Dudard. On a pu y voir une certaine grégarité. Aussi, votre ingéniosité a permis de rendre la métamorphose de Jean plus authentique. En respectant les didascalies et donc en faisant disparaître Jean afin de le déguiser petit à petit, vous avez installé la peur dans ce décor banal où le lit semblait trop petit pour un personnage si robuste. De plus, la décoration de sa chambre illustrait le monde du totalitarisme étant donné qu'elle était dépourvue d'objets personnels. Cette représentation reflétait aussi bien la dangerosité du totalitarisme que l'esprit du théâtre de l'absurde. Quoi qu'il en soit, ce fut une des meilleures représentations de Ionesco à mes yeux: vous avez su valoriser son œuvre avec brio tout en dénonçant le totalitarisme et sans modifier le texte d'origine qui regorgeait de didascalies en attente d'une exploitation rigoureuse.

Je vous prie de croire à mes salutations les plus distinguées.
Aristote