Aujourd’hui, sa maman mourut. Ou peut-être hier, il ne savait pas. Il avait reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne voulait rien dire. C’était peut-être hier.
L’asile de vieillards etait à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger. Il prit l’autobus à deux heures et il arriva dans l’après-midi. Ainsi, il pouvait veiller et rentrait demain soir. Il demanda deux jours de congé à son patron et il ne pouvait pas le lui refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Il lui avait même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’avait pas répondu. Il a pensé alors qu'il n'aurait pas dû lui dire cela. En somme, il n’avait pas à s’excuser. C’était plutôt à son patron de lui présenter ses condoléances. Mais il le lui fera sans doute après-demain, quand il le verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si sa maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.
Il avait prit l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. Il avait mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour lui et Céleste lui avait dit : « On n’a qu’une mère. » Quand il fut parti, ils l'avaient accompagné à la porte. Il était un peu étourdi parce qu’il avait du monter chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il avait perdu son oncle, il y avait quelques mois.
Il avait couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c’est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l’odeur d’essence, à la réverbération de la route et du ciel, qu'il s'était assoupi. Il avait dormi pendant presque tout le trajet. Et quand il s'était réveillé, il était tassé contre un militaire qui lui avait souri et qui lui avait demandé si il venait de loin. Il avait dit « oui » pour n’avoir plus à parler.
L’asile était à deux kilomètres du village. Il avait fait le chemin