Ariane mnouchkine
L'histoire, elle, relève sans hésitation du registre tragique, et plus précisément du tragique politique : dans la Chine du précédent millénaire éclate dans les états prospères du seigneur Khang la menace d'une inondation extraordinaire. La sombre nouvelle se répand et gagne aussi bien la paysannerie que les faubourgs et la cour princière. Les digues ne peuvent épargner qu'une partie de la population (la ville ou la campagne), dès lors le choix devient cruel et tragique. On se souvient que l'origine du spectacle relève de la réalité, de l'été 1994, où le gouvernement chinois confronté à une telle situation sacrifia délibérément ses campagnes et ses centaines de milliers d'habitants.
La nouvelle machine du duo Cixous-Mnouchkine est un spectacle total, une pure merveille dans la mesure où tous les sens du spectateur sont convoqués par une telle débauche de réussites scéniques.
Passons d'abord sur le texte de Cixous qui n'est pas ce qu'on préfèrera, parce que trop souvent empêtré dans un style pseudo naïf et niaisement descriptif. Mais ce n'est qu'une facette du spectacle total, les deux autres sont beaucoup plus convaincantes, qu'il s'agisse de la musique et de l'incroyable poly-instrumentiste Jean-Jacques Lemêtre qui rythme en direct et sans discontinuité le parcours tragique de la pièce, ou qu'il s'agisse de la mise en scène de Mnouchkine, proprement révolutionnaire. En effet, celle-ci est fondée sur une adaptation rafraîchissant de la distanciation brechtienne : chaque personnage devient une marionnette, accompagnée