Baudelaire et la beauté
S’éloignant là encore de la conception classique de la beauté, dont on reconnaît les formes harmonieuses établies selon des règles connues, Baudelaire fonde son esthétique sur la surprise et l’étonnement. Ses poèmes marquent les esprits par l’alliance insolite entre une forme classique et un contenu provocateur, par des images qui subjuguent par leur étrangeté : « Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige » (« Harmonie du soir »). Baudelaire ne cherche donc pas à « tout peindre », ni même à « tout mettre à nu », comme le lui reproche Pinard, mais plutôt à nous faire voir les choses autrement, à faire accéder le lecteur à une autre vision du monde. Ce n’est pas tant le monde en lui-même qui l’intéresse qu’un ailleurs qu’il rêve et appelle de ses voeux, dans « la Vie antérieure » ou dans « la Chevelure » ; ce dernier poème lui permet, par le jeu des correspondances, de faire …afficher plus de contenu…
Il ridiculise dans le Salon de 1859 le crédo réaliste et la « triviale image » sur laquelle la « société immonde » se rue « comme un seul Narcisse ». Son œuvre n’a donc pas vocation à faire voir l’abject, mais à le transfigurer; et c’est dans un projet d’épilogue pour son édition de 1861 qu’il adresse à Paris la fameuse apostrophe : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». C’est pour extraire la beauté du mal que Baudelaire fait entrer en poésie des thèmes ou des motifs traditionnellement considérés comme antipoétiques. Il a foi dans le pouvoir transmutateur de l’art, la poésie est pour lui le laboratoire d’une alchimie capable de faire surgir une beauté d’un nouvel ordre. Son inspiration est donc tendue entre deux