Odyssée
Nausicaa aux blanches épaules lui répond en disant :
187 « Étranger, tu n'es pas un homme vulgaire ni privé de raison. — Jupiter, le roi de l'Olympe, distribue comme il lui plaît la félicité à tous les mortels, aux bons comme aux mauvais : c'est lui qui t'a envoyé ces malheurs, et il faut, toi, que tu les supportes. — Mais, puisque tu es dans cette île, tu ne manqueras ni de vêtements, ni de tous les secours que l'on doit aux malheureux voyageurs qui viennent implorer notre pitié. Je t'enseignerai le chemin de la ville et je te dirai le nom du peuple qui l'habite. Les Phéaciens possèdent ce pays, et moi je suis la fille du magnanime Alcinoos qui gouverne le royaume de ces peuples puissants. »
Ainsi parle Nausicaa ; puis elle dit à ses femmes à la belle chevelure :
199 « Arrêtez, ô mes compagnes ! Pourquoi fuyez-vous à la vue de cet étranger ? Pensez-vous donc que ce héros soit un de nos ennemis ? Non, il n'est point encore né, et il ne naîtra jamais, le mortel qui oserait venir dans le pays des Phéaciens pour y porter la guerre ; car nous sommes chéris des dieux immortels. Nous habitons, séparés de tous, une île située vers les confins du monde, au sein de la mer mugissante ; et nul peuple ne vient nous visiter. Cet étranger est un infortuné dont nous devons prendre soin ; car il erre depuis longtemps sur les flots. Jupiter nous envoie tous les malheureux et tous les étrangers égarés par les tempêtes. Comme les dons les plus faibles sont toujours agréables à ceux qui souffrent, mes compagnes, offrez à cet homme les aliments et le breuvage ; puis baignez-le dans le fleuve, en un lieu qui soit à l'abri des vents.